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[Inside M720] : « En économétrie, il y a la théorie et il y a l’art »

Auteur : Charles Xavier, fondateur M720

Au cours de ma dernière année d’études, j’ai travaillé sur un mémoire ayant pour but de mesurer l’impact des accords de libre-échange sur le commerce entre les pays d’Asie du Sud-Est.

Lors de la conception du modèle économétrique, j’ai été confronté à un problème statistique (l’endogénéité) qu’il fallait corriger par une technique usuelle (variables instrumentales). Je connaissais parfaitement la théorie mais je ne parvenais pas à trouver de bonnes variables instrumentales pour corriger mon problème. 

Voyant que je faisais les cent pas dans la bibliothèque de l’université, mon directeur de Master m’a demandé quel était mon souci, et après m’avoir écouté, il m’a répondu : « en économétrie, il y a la théorie et il y a l’art ».

Cette phrase, qui ne m’a pas forcément été très utile sur le moment, a pris son sens au cours de ces quinze dernières années à développer des modèles économétriques appliqués au marketing (marketing mix modeling ou « MMM »). En effet, à l’instar de nombreuses techniques scientifiques, la compréhension des techniques économétriques s’améliore avec la réalisation de nombreux modèles.

Cet apprentissage par l’expérience va permettre de mieux appréhender les différents problèmes statistiques rencontrés et donc de pouvoir les corriger de façon la plus pertinente.

Prenons l’exemple du secteur des produits de grande consommation (PGC) dans lequel certains produits vendus sont souvent météo-sensible, nous allons alors constater que la saisonnalité des ventes est généralement « colinéaire » avec les températures moyennes, c’est-à-dire que la saisonnalité s’explique par la hausse des températures, tel que le montre le graphique ci-dessous :

 

 

En théorie économétrique, nous sommes face à un problème de « multicolinéarité », deux phénomènes (la saisonnalité et la température) vont expliquer de la même manière les ventes du produit. Il est nécessaire de corriger ce problème afin de mesurer distinctement d’une part l’effet de saisonnalité et d’autre part les effets liés aux variations des températures.

Une des premières solutions à envisager est de retravailler la variable de température en créant des variables qui vont prendre en compte :

  • le fait qu’une semaine soit plus chaude ou froide par rapport aux normales de saison, nous allons ainsi mesurer l’effet incrémental en cas de forte variation de la température,
  • un effet de seuil (15°C, 20°C…) au-dessus duquel des ventes incrémentales peuvent être générées.

 En substituant la variable de température d’origine par ces variables spécifiques, nous allons corriger le problème statistique de « multicolinéarité » et ainsi pouvoir isoler à la fois les effets de saisonnalité et les effets météo sur les ventes du produit considéré.

Cet apprentissage par l’expérience va également permettre de mieux retranscrire la réalité marketing dans les modèles économétriques.

Il s’agit sûrement de l’un des points les plus difficiles dans la conception d’un modèle « MMM », à savoir bien intégrer dans les variables les expertises métiers.

Les deux exemples les plus probants sont les évaluations du média affichage et des effets promotionnels (notamment en PGC).

Une campagne affichage, contrairement aux autres médias offlines, est à cheval sur deux semaines. En effet, une campagne démarre généralement le mercredi et se termine le mardi de la semaine suivante. Il est donc nécessaire de travailler les données de pige média afin de prendre en compte que la première semaine inclut un weekend (donc un moment de consommation) et non la deuxième.

Sur la mesure des promotions, c’est le phénomène de « stockage/déstockage » qu’il faut prendre en compte dans la création des variables. En effet, lors de fortes promotions (par exemple une mécanique de type « gratuité »), les consommateurs vont accroitre leur consommation pendant la période promotionnée (« stockage »), ce qui peut parfois entrainer une baisse des ventes lors des semaines suivant les promotions (« déstockage »).

Par cette phrase, « en économétrie, il y a la théorie et il y a l’art », mon directeur de Master souhaitait donc souligner que la seule connaissance de la théorie ne suffit pas à résoudre tous les problèmes attenants à la création d’un modèle économétrique, une grande part s’apprend par l’expérience.

Ce constat est d’autant plus vrai pour les modèles de marketing mix modeling. A l’heure où la mesure de la performance marketing va se complexifier dans l’univers digital (fin des cookies tiers), de nombreux annonceurs vont se tourner vers cette technique reconnue pour mesurer la performance de leurs actions.

Cette démarche qu’elle soit dans le cadre d’une prestation ou d’un processus d’internalisation doit s’appuyer sur une expertise forte portée par des « coachs MMM » capables de combiner techniques économétriques et vision marketing.

 

Liens utiles :

L’économétrie : https://fr.wikipedia.org/wiki/Économétrie

Le Marketing Mix Modeling (MMM) : https://en.wikipedia.org/wiki/Marketing_mix_modeling

 

Crédit photo : libre pour usage commercial 

 

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